Réfléchir sur une politique migratoire

qui serait basée sur

la liberté de circulation et l'hospitalité


Le contrôle des frontières apparaît comme une véritable obsession politique, au sein des gouvernements et des instances européennes.

Il se traduit par une militarisation qui engendre quantité de souffrances, de violations des droits et de morts. Humainement parlant, elle est du domaine du scandale et de la honte.

Sa gestion est en grande partie arbitraire, opaque, et mal maîtrisée par les instances élues.


Il est donc important de questionner ces choix politiques de base et d’explorer les possibles modalités et implications – et les possibles mesures d’accompagnement – de l’instauration d’un régime de migration libre qui pourrait être défini à grands traits par :

liberté de circulation,

liberté d’établissement,

liberté de retour,

mobilitéet égalité de droits.


L’ouverture des frontières serait économiquement très profitable aux sociétés, mais il faudrait l’anticiper par une politique et une pédagogie de l’hospitalité comme valeur et pratique fondatrice de sociétés justes, dans un monde de paix.


Il faut surtout expliquer en quoi les migrations font partie de l’histoire de l’humanité, que leur état est une conséquence de l’évolution du monde, qu’elles sont un fait structurelet surtout un droit fondamental.


Elles ne sont ni un problème, ni une solution, mais une réalité humaine complexe et essentielle, c’est-à-dire propre à l’être humain et probablement à toute forme de vie sur terre.
Il s’agit d’un choix de société, alternative à la véritable guerre aux migrantset aux pauvres, à laquelle se livrent la plupart des États, particulièrement en Europe.



09 mars 2015 | La Cimade

Extrait de la synthèse du séminaire proposée par Jean-Pierre Cavalié,

La Cimade Sud-Est

LIBERTÉ DE CIRCULATION

ET D'INSTALLATION


UNE APPLICATION

À GÉOMÉTRIE VARIABLE


Réfléchir à la libre circulation et la libre installation pour toutes et tous, nécessite de reposer le cadre juridique existant, de l'interroger, de le critiquer.

Pour l'instant, seul le droit d'émigrer est reconnu par les textes internationaux et si des espaces de libre installation semblent exister, les règles qui président à ce « droit », comme en Europe par exemple, sont plutôt restrictives.


LE DROIT À ÉMIGRER :

POINT DE DÉPART DE LA LIBERTÉ DE CIRCULATION ET D'INSTALLATION.


Le droit à émigrer est un droit fondamental consacré par plusieurs textes internationaux. En effet, selon la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme(DUDH) (note 1)

« toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État»

et « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays» (article 13-1 et 13- 2).


De même, le Pacte International sur les droits civils et politiques(note 2) consacre ce principe en indiquant que (article 12-4)

« Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son pays»


et par le protocole n° 4 à la Convention Européenne des Droits de l'Homme(CEDH) (note 3) (art.3-2).


Ce cadre légal est garant du fonctionnement de la démocratie qui prend tout son sens lorsqu'elle permet aux individus de rester sur un territoire, tout autant qu'elle leur permet de le quitter s'ils estiment que la société dans laquelle ils/elles vivent ne leur convient pas que ce soit pour des raisons politiques, économiques, de gouvernance, de conditions de vie etc.

Le système démocratique en garantissant à tou-te-s le droit de quitter son pays permet d'exprimer son refus d'une société en place. Lorsque par le passé certains États ont refusé d'accorder ce droit aux citoyen-ne-s, cela ne pouvait être que l'expression de régimes totalitaires ou marqués par une instabilité politique et sociale importantes (exemple: l'URSS en son temps ou la Corée du nord, aujourd'hui).


Paradoxalement, ce droit n'est pas un droit symétrique puisqu'aucun principe ne consacre la droit d'entrer dans un autre pays. Un tel droit se heurte à la notion de souveraineté des États qui prime en matière migratoire. Seul le droit d'asile (note 4) supplante, tout au moins dans les textes internationaux la souveraineté des États. Cette exception est néanmoins menacée par la pratique de très nombreux États qui entravent d'une manière ou d'une autre l'exercice de ce droit d'asile.


Tant que le droit d'émigrer et le droit d'immigrer n'auront pas la même valeur, tant que la notion de souveraineté n'aura pas été repensée, les pays du nord notamment auront toute latitude pour fermer leurs frontières.


Quels prolongements pour le droit à émigrer ?

Depuis son congrès de 1997, le mouvement des ASTI a défini la liberté de circulation et d'installation comme l'indispensable corollaire du droit à émigrer, bien qu'elle ne soit pas consacrée en tant que telle dans le Droit.

En effet, cette liberté profite déjà à une importante partie de la population des pays riches. Par exemple, 1,5 millions de Français-es sont expatrié-e-s et vivent dans le pays de leur choix. En revanche, pour d'autres - les habitant-e-s des pays du Sud généralement -, de nombreuses entraves à l'origine de violations des droits fondamentaux jalonnent le parcours des migrante-s.


Revendiquer la liberté de circulation et d'installation pour tou-te-s, c'est demander que soit appliqué le principe universel d'égalité des droits protégés par de nombreux textes légaux. Mais, cela exige au préalable un véritable changement de paradigme. Notre vision des migrations doit évoluer. Elles ne sont envisagées par les États - et dans une moindre mesure par l'opinion publique - que sous l'angle sécuritaire, en fonction d'une logique de frontière et de territoire. Or, les migrations sont consubstantielles de l'histoire de l'Humanité. Et elles devraient être analysées et traitées comme un fait social ordinaire.


De plus, dans un monde largement ouvert et globalisé, la conception souverainiste d'un État enceint dans des frontières imperméables n'est plus réaliste et relève du passé. L'État souverain est désormais concurrencé d'une part par les zones d'intégration régionales et sub-régionales

CEDEAO - Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (note 5)

ALENA - Accord de libre-échange nord-américain (note 6)

UE - Union Européenne

et d'autre part par les réseaux transnationaux financiers, économiques, familiaux et culturels.


Aujourd'hui, le droit applicable aux migrations n'est plus adapté à la réalité. Il conviendrait donc de faire évoluer ces appareils juridiques pour prendre en compte ces réalités.



Liens Wikipédia :

(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_universelle_des_droits_de_l%27homme

(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_international_relatif_aux_droits_civils_et_politiques

(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_europ%C3%A9enne_des_droits_de_l%27homme

(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27asile

(5) http://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_%C3%A9conomique_des_%C3%89tats_de_l%27Afrique_de_l%27Ouest

(6) http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_libre-%C3%A9change_nord-am%C3%A9ricain